Russie-Ukraine-OTAN : à la recherche de chair à canon27/11/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/11/une_2939-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie-Ukraine-OTAN : à la recherche de chair à canon

À plusieurs reprises, des missiles longue portée ont frappé la Russie sur ses arrières, depuis que Washington et Londres ont autorisé Kiev à le faire. Moscou a répliqué avec un missile, lui intercontinental, qui a dévasté le centre de Dnipro, une grande ville ukrainienne.

Paris vient à son tour d’accepter que Kiev tire des missiles longue portée « made in France ». La plupart des commentateurs, dont des généraux, estiment que cela ne changera guère le rapport de force sur place. Mais le feu vert donné à l’utilisation de telles armes, avec la réponse russe qu’il ne pouvait pas ne pas susciter, se traduit déjà par de nouvelles saignées dans les populations civiles, par la poursuite de la destruction de logements, d’infrastructures, etc. Cette escalade dans l’horreur a tout pour susciter le rejet des forces et du système qui en sont la cause. Sauf, bien sûr, parmi le personnel politique et les membres des classes possédantes, en particulier les fabricants d’engins de mort. Rappelons que la France est le deuxième exportateur d’armes mondial, auxquels cette boucherie sert de vitrine commerciale XXL auprès des clients de toute la planète.

Et puis, cela a l’avantage de placer l’impérialisme, notamment français, en bonne position parmi ceux qui pourraient décider de la suite de cette guerre, quelle qu’elle soit.

Un tournant vers des négociations ?

Ainsi, Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer « n’excluent pas », selon Le Monde, de « prendre la tête d’une coalition européenne » qui enverrait des troupes en Ukraine, dans l’hypothèse où Trump restreindrait son soutien à Kiev. Qu’ils en aient vraiment l’intention, et surtout les moyens, cela reste à voir. En outre, les maîtres du jeu, côté occidental, restent les États-Unis. Mais justement, le changement de locataire de la Maison-Blanche pourrait offrir de nouvelles opportunités aux comparses européens de l’impérialisme américain.

Évoquant un possible règlement de ce conflit, le futur conseiller à la sécurité nationale de Trump, le « faucon » Mike Waltz, vient de déclarer sur Fox News : « Il faut décider qui siégera à la table des négociations ». Les pays européens en seront « une des clés » et « ce poids, tous nos alliés et partenaires devront le porter. »

Waltz, qui a déjà occupé des postes de haut niveau au Pentagone et à la Commission des forces armées, avait d’abord appelé à envoyer plus d’armes à Kiev. Puis, dit-il, il a réévalué ces objectifs : la Russie n’a plus sa priorité, c’est la Chine qu’il a en ligne de mire. Ainsi, parlant de l’Ukraine en octobre, il affirmait : « Est-il de l’intérêt de l’Amérique de déployer du temps, de l’argent, des ressources, dont nous avons cruellement besoin actuellement dans le Pacifique ? »

Seuls des naïfs peuvent croire qu’il s’agirait de « faire la paix en Ukraine » après avoir créé une situation rendant la guerre inévitable. La politique de l’impérialisme américain depuis trente ans a mis la Russie en situation de ne plus pouvoir reculer. Pour lui, il s’agirait de changer son fusil d’épaule, de se décharger d’un conflit devenu sinon inutile à ses yeux, en tout cas l’empêchant d’en préparer un autre, capital pour ses intérêts.

À quel niveau, et pour quoi faire, les impérialismes de second rang que sont les pays européens, contraints autant qu’alliés des États- Unis, seraient-ils associés à cette nouvelle donne, l’avenir le dira. Et pas « en un jour » comme fanfaronne Trump, ni en quelques mois. Car, même si les peuples ukrainien et russe ont plus qu’assez de ce massacre, ceux qui les y envoient ne l’entendent pas de cette oreille. Les uns et les autres ont de mille et une façons lié leur sort à celui des armes, à une guerre qu’ils ont justifiée au nom du patriotisme, alors qu’elle était dans l’intérêt des nantis de chaque pays. Que ce soit le régime de Zelensky ou celui de Poutine, chacun a de bonnes raisons de craindre devoir rendre des comptes pour son rôle dans cette guerre fratricide insensée.

Militarisme et répression

Pour l’heure, tout en cherchant à avoir le plus d’atouts en main pour arriver à la table des négociations, les dirigeants de Kiev comme ceux de Moscou font la chasse à la chair à canon.

En Ukraine, on parle de plus de 170 000 déserteurs. Les frontières par où les hommes pourraient s’enfuir se couvrent chaque jour davantage de barbelés. Les rafles de mobilisables récalcitrants se font de plus en plus violentes et expéditives. En Russie, le régime tente d’appâter les volontaires avec des soldes et primes d’engagement qui peuvent atteindre des années de salaire pour des travailleurs des régions déshéritées, à quoi s’ajoutent de gros « avantages » pour les proches si le soldat est blessé ou tué. Mais même cela ne suffit pas. Poutine vient donc de signer une loi qui annule les dettes jusqu’à 92 000 euros pour les engagés ! Autant dire que cela vise les plus pauvres, qui ne peuvent pas survivre sans s’endetter, et qui risquent de mourir pour effacer cette dette. Et il y a les soldats nord-coréens envoyés sans qu’ils l’aient choisi, ou ces Sri-Lankais croyant échapper à la misère avec un contrat de chauffeur en Russie… sur la ligne de front, où ils trouvent la mort en nombre, avec d’autres damnés du tiers-monde dans le même cas.

Poutine voudrait faire croire à sa population, dans sa majorité en tout cas, que le régime lui épargne la guerre. Mais ce n’est pas vrai. Le Kremlin le sait bien qui, pour faire des économies sur tout ce qui n’est pas lié à la guerre, ampute de 30 % le salaire des personnels de santé à Irkoutsk et Volgograd – les soignants, il s’en moque, il lui faut des guerriers. Et ceux qui ne filent pas droit, il tape toujours plus fort sur eux. Alors, comme il le fait avec d’autres dans le même cas, le régime vient d’envoyer en prison préventive et d’accuser de liens avec les services secrets ukrainiens un syndicaliste d’AZ Oural. Évidemment, puisqu’il appelait… à un débrayage pour l’intégration d’une prime au salaire !

Dans un communiqué, la direction de l’usine s’en prend à qui « tente de perturber le cours de la production des commandes d’État pour la Défense » et en appelle aux mânes de Joukov, un maréchal stalinien, qui disait : « Tenir l’arrière, c’est tenir la moitié de la victoire ».

C’est bien ce que craignent Poutine, Zelensky et leur engeance : que la classe ouvrière, l’arrière, veuille un jour emporter la victoire sur ces parasites et ceux dont ils servent les intérêts.

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