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Leur société
Sarkozy : un détenu réinséré par Bolloré
Les écrits de Sarkozy sur sa courte détention, parus le 10 décembre, ont fait l’objet d’une vaste campagne de presse les jours précédents.

On passera sur les ridicules considérations d’un prisonnier de luxe à propos de la dureté des conditions de détention. Des dizaines de milliers d’autres, détenus et surveillants, les subissent réellement chaque jour et Sarkozy a lui-même contribué à les dégrader. On passera encore plus vite sur l’illumination religieuse qui aurait poussé le martyr à s’agenouiller et à prier « pour avoir la force de porter la croix de cette injustice ». Manquent l’éponge de vinaigre, la couronne d’épines et les clous, mais on attend la prochaine condamnation suivie d’une nouvelle incarcération et, qui sait, d’un nouvel opus.
L’illumination politique, en revanche, a été prise au sérieux par les commentateurs. Sarkozy, touché par les manifestations de sympathie de Le Pen et de ses séides, refusera dorénavant les alliances électorales dites de front républicain, destinées à faire barrage aux candidats du Rassemblement national. Cette déclaration, mise en exergue par l’extrême droite et ses médias, pudiquement commentée par ses amis de LR, a suscité les hauts cris des porte-parole et des éditorialistes de gauche.
Cette indignation est quelque peu surjouée. D’abord les autres ténors de droite, comme Retailleau et Wauquiez, ont déjà fait plusieurs pas dans cette direction, pour ne pas parler de Ciotti qui avait, lui, carrément devancé l’appel en rejoignant Le Pen. Ensuite le prétendu cordon sanitaire entre la droite et l’extrême droite n’a jamais été très solide sur le plan électoral et n’a jamais vraiment existé politiquement ni, surtout, socialement. C’est l’histoire d’une querelle de famille dans laquelle les transfuges, dans un sens ou dans l’autre, sont nombreux et les pardons fréquents. Enfin, la perspective de l’union des droites, aujourd’hui plus que tangible, illustre combien l’appel cent fois répété de la gauche à soutenir la droite contre le danger d’extrême droite, autrement dit Chirac, Sarkozy ou Retailleau contre Le Pen, repose sur un mensonge.
Pour Sarkozy l’illumination, en plus d’être logique, est rentable. L’ex-président est un ami de longue date du milliardaire d’extrême droite Bolloré, qui lui prêta son yacht en 2007 pour fêter sa victoire électorale. Il est aussi en affaires avec lui comme membre du conseil d’administration du groupe Lagardère, propriété de Bolloré. Son livre, édité par Fayard, également du groupe Bolloré, a été recensé et même encensé avant publication par tous les organes de la pieuvre, CNews, le Journal du Dimanche, Europe 1 etc. Sarkozy épouse donc désormais les idées du patron, c’est-à-dire l’union de la droite et de l’extrême droite pour assurer un État fort, un gouvernement ferme régnant sur des travailleurs qu’ils souhaitent soumis, et en tous cas pressurés et divisés de toutes les façons possibles, et des profits rebondis.
Et, qui sait si, faute d’une Marine Le Pen empêchée judiciairement et devant un Bardella encore un peu léger aux yeux du grand patronat, Sarkozy ne rêve pas d’assurer lui-même, à nouveau, le premier rôle ?