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Dans le monde
Syrie : les bons conseils des ministres européens
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, et son homologue allemande, Annalena Baerbock, se sont rendus en Syrie au nom de l’Union européenne, le 3 janvier.
Ce sont les premiers diplomates occidentaux à faire le voyage depuis la chute de la dictature de Bachar Al-Assad, le 8 décembre, mais certes pas les premières manifestations des États impérialistes dans ce processus. Mardi 31 décembre encore, après des centaines d’opérations américaines et israéliennes du même type en quelques semaines, des Rafale français ont lâché sept bombes sur des cibles syriennes qualifiées de zones tenues par Daech. Le passage du pays de la dictature des Assad au gouvernement de Ahmed Al-Charaa, djihadiste récemment converti au port du complet veston, se fait donc sous haute surveillance.
En plus des bombes, les diplomates occidentaux ont prodigué leurs bons conseils au nouveau pouvoir syrien. Barrot et Baerbock tiennent à ce que la transition politique soit « pacifique et exigeante ». Et le ministre français d’ajouter qu’il « n’y aura pas de redressement moral sans que justice soit faite », étant bien entendu que la morale et la justice sont de tout temps des spécialités françaises et que Barrot les a reçues en héritage avec son poste de ministre.
L’État français a dépecé le Moyen-Orient avec son complice britannique dans les années 1920 au prix de répressions féroces, créé de toutes pièces un Liban divisé en fonction des différentes confessions, tracé des frontières arbitraires, soutenu l’État d’Israël dans toutes ses guerres, y compris la guerre d’extermination actuelle à Gaza. Il a soutenu et armé la dictature des Assad lorsqu’il y trouvait son compte, puis financé des opposants qui ne valaient guère mieux et finalement contribué avec les États-Unis, à faire du pays le théâtre d’affrontements entre bandes armées. Aujourd’hui, des centaines de milliers, peut-être des millions de familles syriennes sont déplacées, en exil et dans des camps. Des villes et des villages sont détruits, une portion du territoire est sous contrôle israélien, une autre sous contrôle turc, l’armée russe et l’armée américaine y ont leurs bases.
Moyennant quoi des ministres européens viennent benoitement conseiller aux nouveaux dirigeants syriens d’unir les différentes composantes de la population qu’ils ont eux-mêmes contribué à opposer les unes aux autres.
Et puis, tant qu’à être cynique, autant l’être jusqu’au bout. Les deux ministres ont clairement fait comprendre aux nouveaux dirigeants que s’ils se montrent complaisants, les entreprises européennes seraient disponibles pour participer à la reconstruction du pays. Ben voyons, les affaires sont les affaires.