Thaïlande-Cambodge : les racines coloniales du conflit10/12/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/12/une_2993-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Thaïlande-Cambodge : les racines coloniales du conflit

Lundi 8 décembre, les affrontements militaires ont repris à la frontière entre Thaïlande et Cambodge. Depuis le début de l’année, des centaines de milliers de civils ont été déplacés à cause de ce conflit.

C’est un territoire chevauchant la frontière sur 200 km de long qui est la source de ces conflits. Le Cambodge revendique la souveraineté sur les temples khmers situés dans le territoire, pendant que la Thaïlande estime que celui-ci lui appartient. La frontière actuelle date d’un traité imposé en 1907 par la France, qui colonisait le Cambodge à l’époque, au royaume de Siam, ancêtre de la Thaïlande. Pour éviter d’être colonisé, celui-ci accepta de se voir confisquer des territoires conquis précédemment. Pendant la Deuxième guerre mondiale, à la faveur de la défaite de la puissance coloniale et de son alliance avec le Japon, la Thaïlande reprit ces territoires en 1941. Mais en 1945, elle choisit, afin de se faire accepter à l’ONU, de les rétrocéder à l’Indochine redevenue colonie française.

Comme pour toutes ces bombes à retardement laissées aux quatre coins de la planète par les colonisateurs, cette question frontalière redevient un enjeu de conflit à chaque poussée de nationalisme dans l’un ou l’autre des deux pays.

Les raisons de la reprise des tensions militaires en cette année 2025 sont multiples. En février, des Cambodgiennes venues entonner des chants patriotiques dans un des temples ont été réprimées par des soldats thaïlandais. Puis des échanges de tirs ont eu lieu sur la frontière, causant la mort d’un soldat cambodgien. Les tensions ont monté, jusqu’au déclenchement d’une guerre le 24 juillet qui a duré cinq jours, fait 43 morts militaires mais surtout contraint 300 000 civils, de chaque côté de la frontière, à fuir les combats pour se retrouver dans des camps de réfugiés. Le 26 octobre, un cessez-le-feu a été signé entre les deux pays, donnant une nouvelle occasion à Donald Trump de se présenter comme un homme de paix. Mais il a duré moins de deux mois.

De chaque côté, l’utilisation de cette tension pour faire jouer la fibre nationaliste existe. Le président en place au Cambodge, qui a hérité du pouvoir de son père, s’en sert pour tenter d’unifier la population derrière lui. Les nationalistes thaïlandais ne sont pas en reste, d’autant que la Première ministre a été destituée après la publication d’une discussion téléphonique avec le Premier ministre cambodgien dans laquelle elle critiquait l’armée thaïlandaise. Les raisons de cette fuite sont inconnues, mais sans doute pas sans rapport avec le fait que son clan richissime est intimement lié au Cambodge où il possède de nombreuses entreprises de téléphonie, ciment et autres. À cela s’ajoute l’existence de casinos clandestins dans cette région frontalière de la Thaïlande où ils sont interdits, qui rapportent des sommes importantes à différentes mafias.

Des frontières héritées de la domination coloniale, des intérêts capitalistes qui les dépassent, l’utilisation du nationalisme pour attiser les haines : les populations des deux côtés font les frais de conflits dont elles ne sont en aucun cas responsables.

Partager