Turquie : Erdogan tente d’écraser l’opposition26/11/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/11/une_2991-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C0%2C1271%2C1649_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Erdogan tente d’écraser l’opposition

La principale figure de l’opposition au président Recep Tayyip Erdogan, le dirigeant du CHP social-démocrate et maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, est arrêté et emprisonné depuis mars. Il est poursuivi officiellement depuis le 11 novembre pour 142 infractions et risque jusqu’à 2 430 ans de prison.

Outre Imamoglu, plusieurs maires d’arrondissement, ainsi que les membres du conseil d’administration de la municipalité d’Istanbul, tous membres du CHP, sont également mis en examen pour diverses infractions en grande partie imaginaires : corruption, trucage d’appels d’offres, blanchiment d’argent et autres tentatives d’abus de pouvoir. De surcroît, pour sceller son sort, « en tant que dirigeant d’une organisation […] Ekrem Imamoglu est également tenu responsable des crimes commis par d’autres », précise l’accusation.

Lors des arrestations de mars, le CHP avait qualifié celle du maire d’Istanbul et des autres responsables de son parti de « coup d’État ». Des manifestations, nombreuses au départ, s’étaient déroulées dans les grandes villes, dont Istanbul et Ankara, et le CHP a réuni des milliers de protestataires lors de 49 meetings. La répression, les emprisonnements, les menaces semblent avoir peu à peu eu raison des rassemblements.

En réalité, depuis plus de dix ans, Erdogan est confronté au mécontentement populaire, jusque parmi sa base sociale et électorale. Ses méthodes dictatoriales, et surtout la dégradation de la situation économique ont en grande partie écorné sa popularité. En octobre 2023, le chômage atteignait déjà 21,3 % de la population active et, actuellement, son taux officiel est de 28,6 %. Pour un total de 32,5 millions de salariés en activité, le nombre de chômeurs dépasse 11 millions.

La crise économique avait déjà atteint, dans les couches populaires, un niveau tel qu’en octobre 2023, près de 22 millions de personnes étaient poursuivies par la justice, ne pouvant plus rembourser leurs dettes. Ce chiffre, avec l’aggravation de la situation, n’a fait que croître. Logiquement, à l’autre bout de la société, une minorité de capitalistes et hauts fonctionnaires bien installés, les proches d’Erdogan, se sont énormément enrichis.

Pour conserver le pouvoir et ses avantages de toute sorte, malgré la dégradation catastrophique de l’économie et de la vie quotidienne, avec en ligne de mire les élections de 2028, Erdogan et sa bande veulent faire taire non seulement leurs opposants, mais aussi la population. La méthode du bâton s’est traduite sur les dix dernières années par des records d’arrestations et de détentions. Les six derniers mois ont vu signifier 50 000 incarcérations supplémentaires. Les prisons, qui accueillent 400 000 détenus pour 300 000 places, débordent.

Mais, en croyant avoir muselé les principaux représentants de l’opposition, Erdogan n’a pas supprimé les causes du mécontentement, et en tout cas pas les difficultés que la population doit affronter. L’inflation, galopante il y a dix-huit mois, a certes ralenti en octobre, pour s’établir officiellement à 33 % sur un an, mais les prix ont considérablement augmenté, concernant les dépenses d’éducation, de logement et d’alimentation. Ceux des produits alimentaires ont encore connu une hausse de 8,4 % sur un mois, en octobre. De quoi, tôt ou tard, raviver des braises que le pouvoir espère avoir étouffées.

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