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Dette d’Haïti : Macron fait sa commission
À l’occasion du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, Emmanuel Macron a annoncé la constitution d’une commission franco-haïtienne d’historiens. Elle sera chargée d’étudier l’impact de l’indemnité qui fut imposée par le roi Charles X à l’État né de la révolte des esclaves.
Macron parle d’Haïti comme d’« une jeune nation confrontée dès sa constitution à la force injuste de l’Histoire ». L’Histoire ainsi invoquée prit dans la réalité la forme menaçante d’une flotte de guerre, dépêchée en 1825 par le roi pour imposer le paiement d’une indemnité de 150 millions de francs. Cette somme, censée indemniser les anciens propriétaires d’esclaves, ne pouvait en aucun cas être réglée par l’État haïtien et donna naissance à une cascade de dettes qui enrichirent les banquiers français puis américains. Ce furent les paysans haïtiens qui la payèrent, en étant lourdement taxés sur les produits d’exportation qu’ils étaient contraints de cultiver et de vendre, alors qu’ils n’avaient pas de quoi se nourrir. L’indemnité elle-même ne fut finalement remboursée qu’en 1888 et les intérêts et pénalités bancaires soldés en 1952 seulement.
Il n’est pas besoin d’une commission pour comprendre et estimer les nuisances de cette rançon. Pratiquement tout ce que l’on peut savoir sur cette « double dette » a déjà été dévoilé par les travaux d’historiens qui ont épluché les archives concernant les paiements effectués par Haïti. Selon leurs travaux, publiés en 2022 dans le New York Times, les sommes ainsi volées équivaudraient aujourd’hui à des dizaines de milliards d’euros, appauvrissant d’autant le pays. En évoquant cette commission, qui devra lui faire des « recommandations », Macron reprend un procédé usé, déjà utilisé pour le colonialisme en Algérie ou le génocide au Rwanda. Les mots ne coûtent rien et il n’est évidemment pas question d’une quelconque indemnisation.
En parfait représentant de « la force injuste de l’Histoire », c’est-à- dire du capitalisme et du colonialisme, Macron fait son métier qui est de brasser du vent à propos de crimes d’hier pour mieux perpétrer ceux d’aujourd’hui.