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- Lutte ouvrière n°2747
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Leur société
Devoir conjugal : justice réactionnaire et misogyne
Le 5 mars, une femme de 66 ans a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme après que la cour d’appel de Versailles en 2019, puis la Cour de cassation début mars 2021, ont prononcé un divorce à ses torts exclusifs.
La raison de la sentence est que cette femme refusait d’avoir des rapports sexuels avec son mari, ce que les juges français ont considéré comme « une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».
En France, la notion de devoir conjugal, au sens de devoir sexuel, date du Code Napoléon de 1804, quand le but affiché du mariage bourgeois était la procréation. Cette notion réactionnaire a été abolie dans les textes en 1990. Mais il se trouve encore des magistrats pour continuer à l’imposer dans les faits, en jouant sur l’ambiguïté des formulations juridiques. Dans le Code civil, il est inscrit que les époux se doivent assistance, secours, respect et fidélité et qu’ils doivent partager une communauté de vie. Certains juges s’autorisent à interpréter « communauté de vie » comme « communauté de lit ». Lors des divorces, il arrive que l’absence de relations sexuelles soit avancée comme une faute par l’un des époux et acceptée comme telle par la justice.
La Fondation des femmes et le Collectif féministe contre le viol (CFCV), qui ont accompagné la plaignante devant la Cour européenne, ont tenu à rendre publique cette affaire, qui s’inscrit pleinement dans le combat pour les droits des femmes. En effet, chaque fois que la justice impose le devoir conjugal, elle légalise de fait le viol entre époux qui, selon le CFCV, représente 47 % des 94 000 viols et tentatives de viol comptabilisés annuellement en France. Ce faisant, elle bafoue ouvertement la notion juridique de « crime aggravé de viol sur le conjoint », passible de vingt ans de prison, arrachée de haute lutte en 2010 et dont l’application reste aléatoire et soumise au bon vouloir des juges.
En France, c’est la première fois qu’une femme condamnée pour manquement au devoir conjugal porte plainte contre la justice, pour ingérence dans la vie privée et atteinte à l’intégrité physique. Même dans un pays prétendument avancé, le combat doit se poursuivre pour défendre les droits des femmes, même celui qui devrait être élémentaire de disposer de son corps et de refuser d’être violée.