- Accueil
- Lutte ouvrière n°2518
- Venezuela : un pays à bout de souffle
Dans le monde
Venezuela : un pays à bout de souffle
La crise politique vénézuélienne, qui voit l’opposition de droite s’affronter au gouvernement chaviste, s’est aiguisée depuis que la Cour suprême a bloqué le référendum que l’opposition voulait utiliser pour destituer le président Nicolas Maduro.
Après une manifestation massive organisée le 26 octobre par l’opposition, son appel à la grève générale le 28 n’a pas été autant suivi. Mais, en arrière-fond, il y a la situation très difficile des classes populaires, victimes de la baisse des prix du pétrole et de l’hyperinflation qu’elle a engendrée.
Ce bras de fer dure depuis des mois. Il a commencé par la défaite des chavistes aux élections législatives l’an dernier. Puis, en janvier, la Cour suprême a refusé que trois députés d’opposition, dont l’élection était contestée, prêtent serment, ce qui privait l’opposition d’une majorité des deux tiers. En juillet, l’Assemblée a passé outre et investi ces députés. En représailles, la Cour a déclaré le 5 septembre qu’il ne serait tenu aucun compte des décisions de l’Assemblée.
Le 14 octobre, le président Maduro, se présentant comme le protecteur des droits du peuple, a validé le budget 2017 par décret et sans l’aval de l’Assemblée, menacée de dissolution. La droite a rétorqué que c’étaient la Cour suprême et le gouvernement qui violaient la loi.
Enfin, les 26, 27 et 28 octobre, aurait dû se tenir la consultation référendaire dont l’opposition espérait obtenir la révocation du président chaviste. Elle aurait alors pu imposer une nouvelle élection présidentielle dès janvier 2017, mais la Cour a repoussé cette consultation sine die.
Le Venezuela dispose de réserves de pétrole supérieures à celles de l’Arabie saoudite, mais la dégringolade des prix du pétrole l’a plongé dans la récession depuis trois ans. La production de la compagnie pétrolière PDVSA, qui appartient à l’État, est tombée de 2,7 millions de barils par jour en 2014 à 400 000 barils actuellement, vendus en outre à un prix très inférieur, ce qui a vidé les caisses de l’État.
La crise touche aussi le secteur agricole. La production a chuté, de 80 % pour les céréales, de 40 % pour la viande et de 18 % pour les légumes. L’État doit compenser par des importations et ainsi augmenter son endettement.
L’inflation frise les 1 000 %. Les difficultés de ravitaillement sont accentuées par la corruption des cadres du régime comme des milieux du secteur privé qui soutiennent la droite. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Les plus pauvres doivent faire la queue pendant des heures sans toujours pouvoir acheter, tandis que les plus riches accèdent encore à des produits de luxe ou à des médicaments importés des États-Unis.
Ces difficultés engendrent des manifestations ou même des émeutes autour de rayons où manque l’essentiel, mais elles se mesurent aussi dans les hôpitaux, où l’on constate les conséquences de la malnutrition.
La situation est si dégradée qu’en juillet, Maduro a placé à la direction de la production et de la distribution de nourriture un militaire à qui tous les autres ministres doivent rendre des comptes. On peut se demander jusqu’à quel point la crise actuelle n’a pas effacé une grande partie des progrès des premières années du régime dans les domaines de la santé, de l’éducation ou de la lutte contre la pauvreté.
La confrontation entre les deux clans continue. Le 3 novembre, l’opposition appelait à manifester à nouveau, pour demander la destitution du président. Mais les classes populaires ne peuvent faire confiance à cette opposition avide de revenir au pouvoir ; non qu’elle se soucie du sort de la population, mais parce qu’elle entend effacer le souvenir du chavisme et des quelques progrès qu’il a pu amener – aussi fragiles et éphémères qu’ils aient été, faute d’avoir voulu toucher les fondements du système capitaliste.