Août 1954 : l’Indochine arrachait son indépendance à la France21/08/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/08/une_2925-c.jpg.445x577_q85_box-3%2C0%2C1268%2C1641_crop_detail.jpg

il y a 70 ans

Août 1954 : l’Indochine arrachait son indépendance à la France

Constituée sous la Troisième république, l’Union indochinoise regroupait les possessions françaises en Asie du Sud-est. L’Indochine devint la « perle de l’empire »… pour les capitalistes, grâce à la culture du riz sur des grandes propriétés, aux mines, aux plantations de thé, de café et d’hévéas. Michelin vint s’y installer au début du XXe siècle et mit la main sur une grande partie des plantations d’hévéas qui lui assurèrent le caoutchouc de ses pneus.

En l’espace de trente ans, des dizaines de milliers de travailleurs moururent dans ces plantations du travail harassant, de malnutrition, du manque de soin, des coups de « rotin » infligés aux contestataires, des multiples sévices comme ces « barres de justice » entravant les membres des suppliciés. Ceux qui voulaient fuir cet esclavage étaient torturés. De cet enfer naquirent les fortunes les plus colossales du colonialisme français.

En Indochine, les capitalistes français développèrent des infrastructures pour faciliter l’exploitation coloniale et des industries de transformation tournées vers les marchés asiatiques, en particulier la Chine. Cet eldorado donna naissance à sa propre banque : la banque d’Indochine. Fondée avec les capitaux de banques privées de métropole, elle obtint le monopole pour émettre la monnaie et contrôler le taux de change. Comme elle possédait des participations dans la plupart des entreprises coloniales, elle avait la main sur l’ensemble des investissements, des revenus, des capitaux.

Pour la population en revanche, le symbole de la présence française en Indochine était le bagne de Poulo Condor. Dans des conditions moyenâgeuses, on y enfermait les condamnés pour les y laisser mourir. Peu nombreux étaient ceux qui en sortaient.

Naissance du mouvement communiste

Un mouvement nationaliste se développa très tôt dans cette colonie qui vit surgir aussi un fort mouvement ouvrier. Dans les années 1920, introduites par les travailleurs indochinois revenus de métropole, portées par l’onde de choc de la révolution russe puis par celle de la révolution chinoise de 1925-1927, les idées communistes se répandirent. Nguyen Sinh Cung, le futur Hô Chi Minh avait participé en 1920, au congrès fondateur du parti communiste en France, à Tours. Mais derrière l’étiquette communiste, il faisait partie de ceux qui prônaient l’union avec les nationalistes bourgeois et non l’indépendance politique de la classe ouvrière. En 1930, Moscou imposa la création d’un parti communiste indochinois et non exclusivement vietnamien comme le voulait le futur Hô Chi Minh. Mais ce parti n’échappait pas à la politique criminelle de Staline d’union avec les nationalistes, celle qui avait mené à la tragédie de la révolution chinoise. Au début des années 1930, des militants trotskistes avaient construit une organisation influente dans la classe ouvrière de certaines villes du sud, ayant un journal et se présentant aux élections. Elle comptait politiquement et concurrençait les staliniens dans une période de luttes de la classe ouvrière.

Proclamation de l’indépendance et répression de la classe ouvrière

La défaite de l’impérialisme français en 1940 accéléra les événements. L’armée japonaise prit le contrôle de l’Indochine entre 1941 et 1945. À la fin de la guerre, la préoccupation principale des Alliés était d’éviter un vide étatique ouvrant la porte à une révolte populaire comme dans l’Indonésie voisine. Dans ce contexte, Hô Chi Minh profita de la capitulation du Japon le 10 août 1945 pour prendre le pouvoir dans l’objectif de s’opposer à toute intervention de la classe ouvrière.

Dès le début de la Deuxième Guerre mondiale, le parti communiste avait créé une Ligue pour l’indépendance du Vietnam (Vietminh) dans laquelle il s’était fondu. Pour mener la lutte contre la présence japonaise sur la base d’un programme nationaliste bourgeois. Avant de proclamer l’indépendance, il chercha à passer des accords avec la France. Mais en août 1945, dans plusieurs villes, les ouvriers commençaient à créer des comités du peuple et les militants trotskistes mettaient en avant les mots d’ordre de « la terre aux paysans » et « la nationalisation des usines sous contrôle ouvrier » pour organiser la lutte des travailleurs. La réaction des dirigeants du Vietminh ne se fit pas attendre. Après avoir forcé les courants bourgeois nationalistes à se soumettre à leur ligne, ils occupèrent les lieux de pouvoir et proclamèrent la république indépendante du Vietnam dans la foulée. Et pour mettre fin à la mobilisation ouvrière, les déclarations furent claires : « Seront considérés comme des provocateurs ceux qui appellent le peuple à l’armement et surtout à la lutte contre les Alliés ». Une répression violente s’abattit sur la classe ouvrière. Les militants des comités du peuple furent arrêtés, et les staliniens assassinèrent les militants trotskistes dont Ta Tu Thau, un de leur dirigeant. Ils liquidaient consciemment la possibilité que la lutte des opprimés prenne un autre cours que celui de l’impasse du nationalisme.

Après avoir réprimé la contestation populaire, Hô Chi Minh chercha de nouveau un accord avec l’ex-puissance coloniale. Des accords signés en mars 1946 semblaient régler la question indochinoise en intégrant la république vietnamienne à l’Union Française, tout en maintenant d’autres territoires sous domination française. Hô Chi Minh était prêt à d’importantes concessions, acceptant même le maintien des troupes armées françaises sur place. Mais de son côté, l’État français n’attendait que l’occasion de reprendre le contrôle de sa colonie. Le 23 novembre, les troupes françaises attaquèrent le port d’Haïphong faisant des milliers de morts civils.

Les débuts de la sale guerre d’Indochine

Cette guerre coloniale était lancée par des gouvernements comprenant des ministres socialistes et communistes, dont le dirigeant du PCF Thorez, Tillon à l’armement et Ambroise Croizat. Bien des combattants de la prétendue « France libre » se retrouvèrent plus ou moins malgré eux aux côtés d’ex-pétainistes à combattre une population déterminée à gagner sa liberté. Les officiers français y acquirent leurs galons de tortionnaires et subirent une défaite humiliante. En avril 1954 la victoire militaire écrasante des Vietnamiens à Dien Bien Phu sonnait le glas du colonialisme français en Indochine.

Le gouvernement français fut bien obligé d’entamer des négociations et en juillet 1954 le Vietnam fut indépendant. Mais les conditions imposées par la France étaient dramatiques. Le Vietnam fut coupé en deux. Ho Chi Minh obtint le pouvoir sur le nord du pays seulement, le sud restant sous la domination d’un gouvernement étroitement lié aux puissances impérialistes. Cette situation aboutit à une nouvelle guerre contre les États-Unis cette fois.

Malgré les luttes courageuses et déterminées de la population, les pays issus de l’Indochine française, parce qu’ils étaient dirigés par des régimes nationalistes, ne sont pas sortis de la pauvreté et n’ont pu s’affranchir de la domination impérialiste.

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