Aide sociale à l’enfance : des vies saccagées13/11/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/11/une_2937-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1262%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Aide sociale à l’enfance : des vies saccagées

Dix-neuf personnes assurant l’accueil d’enfants placés ont comparu à Châteauroux pour violences, mauvais traitements, viols.

Le 18 octobre, la procureure a requis jusqu’à sept ans de prison pour les deux principaux protagonistes. Le jugement sera rendu en décembre.

Les faits remontent à la période 2010-2017. La famille incriminée a créé une association qu’elle prétendait en cours d’agrément. Elle avait été signalée comme ne pouvant plus exercer parce qu’elle avait déjà fait l’objet de signalements de maltraitance sur des mineurs et sur ses propres enfants. Elle a alors proposé ses services hors de son département. Face au manque de familles d’accueil, les services de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, lui ont confié des enfants, des adolescents.

Si cette arnaque particulièrement sordide a pu fonctionner, c’est en raison de l’état désastreux de l’ASE. Au total, 350 000 enfants sont suivis par l’ASE ou retirés de leur famille. Ce sont des pupilles de la nation, des enfants qui subissent des mauvais traitements ou dont les parents sont dans l’incapacité de leur assurer le minimum, (hospitalisés voire emprisonnés). S’y ajoutent des migrants mineurs, dont certains ont aussi subi des mauvais traitements. Parmi les jeunes placés, un certain nombre souffrent de handicaps, voire de maladie mentale.

Pour prendre en charge l’ensemble des enfants, les dotations et les hébergements ne suivent pas. Le conseil départemental du Nord avait réduit les dotations de 15 % entre 2015 et 2018. En conséquence, 700 places en structures avaient disparu. Au fur et à mesure, tous les départements se retrouvent confrontés à une hausse du nombre d’enfants et à des financements en baisse. Ils se heurtent aussi au manque de places en structures et de familles d’accueil. Alors que plus de la moitié des enfants placés trouvaient une place dans une famille rémunérée et suivie, ils sont moins de 40 % aujourd’hui. Cela tient à la difficulté du travail 24 heures sur 24 et à la faible rémunération des familles d’accueil. Certains jeunes se retrouvent alors hébergés dans des hôtels plus ou moins miteux, et seuls. Cela a provoqué des suicides, à tel point qu’une loi a été adoptée pour empêcher ces placements.

Les professionnels sont soumis à des injonctions contradictoires. Les juges ordonnent des placements sans souvent pouvoir les faire appliquer ou dans des conditions pires. De plus, le manque de coordination entre les départements permet parfois à des familles maltraitantes d’échapper à la justice. L’institution peut ainsi broyer enfants et parents. Récupérer ses enfants placés, une fois les difficultés de la famille aplanies, est un parcours du combattant car les conditions de logement et de revenus exigées sont quasi impossibles à réunir pour de nombreuses familles.

Parmi ces jeunes, dont un bon nombre sont jetés à la rue à 18 ans et constituent un quart des SDF, certains plongent dans la délinquance, la prostitution. La société est aussi dure aux pauvres que lorsque Victor Hugo publiait Les Misérables, et un Gavroche d’aujourd’hui aurait fini à l’ASE… à moins que, comme son ancêtre, il ne monte sur une barricade pour renverser ce triste état des choses.

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