Corse : un assassinat et une menace26/03/20252025Journal/medias/journalnumero/images/2025/03/une_2956-c.jpg.445x577_q85_box-17%2C0%2C3294%2C4244_crop_detail.jpg

Leur société

Corse : un assassinat et une menace

Le 17 mars, Pierre Alessandri, agriculteur corse de 55 ans et figure dirigeante du syndicat Via Campagnola, a été abattu de deux balles dans le dos à Sarrola-Carcopino, près d’Ajaccio, devant son exploitation.

Ce secrétaire général d’un syndicat affilié à la Confédération paysanne était surtout connu localement pour sa dénonciation des détournements des subventions agricoles européennes et du déclassement des terres au profit de projets immobiliers.

Alessandri dénonçait un système où les aides de la politique agricole commune (PAC), estimées entre 370 000 et 1,2 million d’euros dans une affaire en cours, sont siphonnées par des exploitations fictives ou gonflées, au détriment des petits paysans maintenus dans la pauvreté. Il était l’un des lanceurs d’alerte dans un dossier qui a conduit au renvoi en justice de hauts fonctionnaires pour « détournement de fonds publics », un procès attendu à Paris.

Parallèlement, il s’opposait au déclassement des terres agricoles, ces parcelles arrachées à la production pour être transformées en terrains à bâtir, multipliant leur valeur, grâce à quoi se sont construites des fortunes considérables. En Corse, où le taux d’homicides atteint 3,7 % pour 100 000 habitants – bien au-dessus de la moyenne européenne – ce genre d’opposition dérange.

Comment ne pas voir que, derrière ce crime, il y a une lutte pour la terre ? Une parcelle agricole, vendue 2 à 5 euros le mètre carré, peut valoir cinq, dix ou vingt fois plus, une fois déclassée. Le Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc) adopté en 2015 pour sanctuariser 100 000 hectares de terres agricoles, est régulièrement contourné par des combines locales sans que cela émeuve spécialement les services de l’État. Les militants locaux dénoncent sa complicité avec ceux qui ont mis la main sur l’économie de l’île, latifundiaires, promoteurs, gros hôteliers.

Déjà, en 2019, la distillerie d’huiles essentielles d’Alessandri avait été réduite en cendres par un incendie criminel, un acte que le procureur de l’époque avait lié à ses positions syndicales, une affaire jamais élucidée. La passivité des autorités a pu faire que les commanditaires décidés à le réduire au silence se sont sentis autorisés à aller plus loin. Le signal envoyé ainsi à ceux qui s’attaquent aux puissants est : taisez- vous ou vous finirez comme lui !

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