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Haïti : l’arrogance de Macron
Jeudi 21 novembre, lors du G20 à Rio de Janeiro, Macron a été interpellé par un Haïtien qui accusait la France d’être responsable du chaos dans lequel son pays est plongé. Sa réplique a été insultante envers tout un peuple.
« Là franchement, c’est les Haïtiens qui ont tué Haïti, en laissant le narcotrafic prospérer (...) Ils sont complètement cons. Ils n’auraient jamais dû sortir le Premier ministre. Il était formidable. », s’est exclamé Macron. L’insulte pourrait lui être retournée, quand on sait l’issue de son coup de génie : la dissolution de l’Assemblée nationale en juin. Surtout, Macron suinte de mépris social et d’arrogance coloniale alors que les classes populaires d’Haïti crèvent de faim, sont livrées aux balles des gangs, condamnées à vivre en réfugiées dans leur propre pays, alors que les clans dans ce qui sert de gouvernement se déchirent avec la seule préoccupation de s’enrichir.
Macron s’est apitoyé sur le sort de Gary Conille, limogé le 10 novembre après avoir occupé le poste de Premier ministre depuis le 29 mai. Sa nomination n’avait bien sûr en rien soulagé la population. Il n’avait rien d’un homme neuf puisque, depuis 2011, il avait à plusieurs reprises été ministre et partagé avec toutes les cliques politiciennes d’Haïti la responsabilité de l’enfer vécu par la population.
Cet enfer, ce sont les puissances impérialistes qui en sont les premières responsables, les États-Unis aujourd’hui bien sûr. Mais la France reste aussi au premier rang des coupables, car Haïti, du temps où elle s’appelait Saint-Domingue, a été une colonie française, la plus rentable par l’exploitation des esclaves. Ceux-ci ont imposé leur émancipation les armes à la main en 1791 et sont parvenus à la conserver face aux troupes napoléoniennes débarquées en 1802 pour tenter de rétablir l’esclavage. Les puissances coloniales ne pardonnèrent jamais à Haïti d’être devenue le symbole de la victoire des esclaves sur leurs maîtres. Dès qu’elle le put, à titre de l’indemnisation des anciens maîtres ou plutôt de rançon, l’ancienne puissance coloniale imposa à Haïti un fardeau financier. Cela contribua, de 1825 jusqu’en 1952, à étrangler un pays rendu exsangue par l’appauvrissement des sols, en raison de la production de canne à sucre pour l’Europe.
Le rôle de la France à Haïti est évident quand on songe que l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier, chassé du pouvoir en 1986 par la population de Port-au-Prince, y vécut en exil jusqu’en 2011, ayant emporté avec lui une fortune supérieure à la dette extérieure du pays. Revenu à Haïti en 2011 – alors que le « formidable » Gary Conille était ministre de la Justice puis Premier ministre –, Duvalier put y couler des jours heureux jusqu’à sa mort en 2014.
Haïti compte aujourd’hui parmi les pays les plus pauvres d’Amérique latine et des Caraïbes, et a vu prospérer les gangs et l’appétit insatiable des politiciens à la Gary Conille. La raison unique en est que le capitalisme pourrissant enfonce toujours plus un pays auquel il n’a jamais pardonné d’avoir montré l’exemple d’une révolte victorieuse. Macron est complice du maintien de cette pourriture que seule une révolution sociale, aux Caraïbes et au-delà, pourra balayer.