Northvolt : symbole d’un système en faillite27/11/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/11/une_2939-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Leur société

Northvolt : symbole d’un système en faillite

Le 21 novembre, en Suède, l’entreprise de fabrication de batteries pour véhicules électriques Northvolt s’est déclarée en quasi-faillite et, retirant son épingle du jeu, son PDG et cofondateur, Peter Carlsson, a démissionné.

Deux mois auparavant, l’ex-start-up suédoise dopée aux investissements espérés hyper rentables avait annoncé 1 600 suppressions d’emploi, un quart de ses effectifs mondiaux. Plusieurs centaines de travailleurs de l’usine sortie de terre en 2021 près du cercle polaire, à Skellefteå, en ont déjà été informés, ainsi que dans la filiale de recherche, à Västerås et à Stockholm. La situation est plus critique encore pour nombre de travailleurs venus d’autres pays qui, leur visa dépendant de leur emploi, devraient quitter la Suède s’ils n’en ont pas retrouvé un dans les trois mois.

En moins de dix ans d’existence, Northvolt et ses deux cofondateurs avaient vu se précipiter les investisseurs à l’affût de ce qui était censé devenir la plus grande usine européenne de production de batteries pour véhicules électriques. Ce furent d’abord des millions, puis des milliards de dollars placés par Goldman Sachs (15 % du capital), puis Volkswagen (21 %), suivis de BMW et de fonds scandinaves. BlackRock n’allait pas, lui non plus, manquer le coche. La Banque européenne d’investissement y alla de ses 350 millions. Stimulés par l’appétit à concurrencer les usines chinoises de production de batteries, la propagande sur la technologie verte, que Northvolt mettait en avant, la « décarbonation » que ses patrons invoquaient à propos de la construction des bâtiments et des transports publics gratuits mis à disposition des salariés, les capitaux affluaient. Des fonds canadiens, alléchés par un projet d’usine sur leur sol, y plaçaient plus d’un milliard de dollars. Goldman Sachs promettait à ses clients de récolter « quatre fois leur mise ». Des contrats de 50 milliards d’euros au total étaient signés par Volkswagen, BMW, Scania et autres constructeurs.

Hélas, en 2023, le ton a changé : des pertes étaient enregistrées, les emprunts envisagés étaient annulés, ainsi que certains gros contrats comme celui de BMW qui portait sur 2 milliards d’euros de commandes.

Les dirigeants de Northvolt voudraient maintenant sauver les meubles – les leurs – et se mettre à l’abri des créanciers, sans le moindre égard pour les travailleurs menacés, ni pour les pertes d’emplois en cascade, ne serait-ce que dans les commerces de Skellefteå.

Les raisons de la chute, selon les analystes économiques qui se disent informés, tiendraient aux choix technologiques des patrons de Northvolt, consistant à construire des batteries NMC (nickel, manganèse, cobalt) et non LFP (lithium, fer, phosphate), qui seraient moins coûteuses et plus au point.

Les lignes de production auraient aussi été mises en place de façon précipitée, pour devancer les concurrents européens et chinois. Quoi qu’il en soit, il apparaît que la perspective de la création d’usines de batteries géantes a d’abord attiré les aides des États et les capitaux en quête de profits rapides, avant que ceux-ci se retirent au vu d’un marché plus incertain que prévu.

C’est un épisode de spéculation de plus, qui laisse derrière lui un gâchis social, humain et environnemental. Mais l’essentiel n’est-il pas pour les investisseurs qu’ils se soient retirés à temps ?

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